
L’Homme a toujours été intrigué autant que fasciné par ce qui est différent, par l’esprit libre qu’il envie, par l’interdit qu’il convoite. Le groupe italien Måneskin représente à lui-même ce fruit défendu, ces êtres étranges et fascinants, provoquants et follement envoûtants, affranchis des conventions. On écoute Måneskin comme on croque dans la pomme, péché divin terriblement tentant. Beau coup de promo et provocation ultime : le 20 janvier dernier, le quatuor décide de s’unir musicalement pour célébrer la sortie de leur album Rush!. Robes de mariée, pièce montée et même invités VIP, pour cette belle cérémonie à leur image, aussi glamour que chaotique, les quatre membres se sont jurés fidélité depuis le Palazzo Brancaccio de Rome devant le styliste Alessandro Michele. Dans la foule d’invités on retrouve entre autre Machine Gun Kelly.
Depuis le concours de l’Eurovision, la musique de Måneskin a quelque peu évolué et c’est beaucoup angliciser. Il est plus aisé de comprendre les paroles mais il sera dommage de perdre la singularité du groupe. Entendre de l’italien sur les ondes est non seulement rafraichissant mais l’écriture est également tout autre. Tantôt plus poétique, tantôt plus empli de rage, si on affectionne leurs titres en anglais, leur écriture en italien est sans pareil. Rassurez-vous avec Rush! vous avez le meilleur des deux mondes. Majoritairement écrit en anglais, on retrouve tout de même 3 chansons dans leur langue maternelle sur l’album : Mark Chapman (référence au meurtrier de John Lennon répondant au même nom), La Fine et Il Dono Della Vita. Ce dernier titre, composé il y a 3 ans, devait à l’origine paraître sur Teatro d’Ira. Le rythme terriblement langoureux, mêlé à la poésie de la langue, à la rythmique lente et au jeu de guitare rend le tout terriblement envoutant. Le tout se transforme en une passion brulante au moment du solo de Thomas (ndlr guitariste) à l’image de ce feu qui monte en Damiano « Respiro aria pulita che alimenta il fuoco dentro di me = Je respire un air pur qui alimente le feu en moi« . Renaissant de ses cendres le groupe s’élève au plus haut, troublé mais reconnaissant.
Terriblement rapide, éreintante, inquiétante, avec Mark Chapman, le quatuor nous emmène dans une chasse à l’homme déroutante. Observé et traqué, le groupe se sent oppressé par ce « fan », véritable cauchemar ambulant qui confond passion et obsession malsaine.
Rush! c’est une richesse des genres. L’album démarre ainsi avec un petit ovni dansant, Own My Mind, inspiré par la musique plus électro que le groupe écoute ces derniers temps. A l’opposé, on retrouve des titres d’une simplicité et sincérité déroutantes comme If Not For You. Damiano semble totalement désarmé et déclare sa flamme, accompagné par une guitare acoustique lente. Ils se sont également lancés dans des expériences d’écriture. Ainsi avec Feel le but était de jouer avec les sonorités sans vraiment penser au sens. La richesse de cet album est d’autant plus importante que le groupe arrive à d’une piste à l’autre à nous faire passer des larmes, au dancefloor, du rire aux tumultes d’une salle de concert…
Se côtoient sur l’album trois types de chanson : celles qui cherchent à réveiller le Punk en nous, cet être avide de liberté et d’aventures folles, celles qui nous émeut au plus profond de nous par leur sincérité et fragilité puis il y a les revendicatives, celles qui font le triste de constat de l’évolution de notre société.
Provoc’ et impertinent
On connaissait déjà Mammamia, ce titre méchamment dansant, frôlant l’impertinence, sexy et follement enivrant. Les très Punk Bla Bla Bla et Kool Kids rentrent également dans cette catégorie. Ils réveillent en nous l’envie de tout envoyer balader et de suivre notre instinct animal sans penser aux conséquences. La nonchalance désinvolte de Bla Bla Bla nous renvoie à celle d’un autre personnage excentrique et ami du groupe : Iggy Pop. Le Punk édenté de Kool Kids a quelques choses de plus bestiale à la Johnny Rotten (ndlr Sex Pistols). Alors que Damiano est réputé pour ne pas consommer d’alcool, il enregistre ce titre complètement sou, d’où le changement de voix et de décor.
On s’imagine plongé en plein milieu d’un pogo Punk dans un sous-sol sombre et bruyant de Londres mêlé d’un fort sentiment de révolte et de liberté. Baby Said, très sensuelle, voir sexuelle, follement décadente, nous déshabille un peu plus à chaque riff.
Poésie et sincérité
D’un autre côté, il y a ces chansons plus près de nos émotions, plus poétiques et humaines à l’instar de If Not For You ou encore Timezone, The Loneliest et Read Your Diary. Les Rockeurs savent aussi avoir le cœur tendre. Plus à fleur de peau, ces titres explorent la sensibilité du groupe et leurs nouvelles expériences. L’enchainement brutal de Kool Kids avec If Not For You, totalement à l’antipode du précédent titre, annonce la fin de la soirée, même la guitare semble exténuée, étourdie, mélancolique. C’est l’heure des confessions, le moment d’avouer son amour sans réserve, de se pencher sur ces problèmes et de devenir un poil sentimental. Le contraste est étourdissant. Timezone révèle sans pudeur la complexité de cette nouvelle vie sur les routes et la confusion de leurs émotions entre frustration et reconnaissance. Read Your Diary quant à elle fait naître une histoire d’amour à sens unique et à distance. La plus poignante de toute restera cependant la splendide The Loneliest sublimée par son clip à l’esthétique sombre chic et au plot twist renversant.
Critique et anéantissement
Pour finir, il y a les chansons revendicatives, plus critiques, un triste constat sur le monde qu’ils ont parcouru depuis plus d’un an avec Supermodel ou Gossip. Les dictâtes de la beauté, les ragots, la corruption des médias Le crush reste principalement sur Supermodel avec son énergie folle déjà testée (et approuvée) en live.
Certaines chansons sont invraisemblablement faites pour le live comme Don’t Wanna Sleep, Feel, Kool Kids ou Gasoline déjà vécue en concert cet été. Le publique français a eu la chance de l’entendre lors de la dernière édition du Lollapalooza en juillet dernier. Autant vous le dire : elle met le feu, et pas qu’un peu ! Nous avons un véritable coup de cœur pour ces titres qui éloignent les problèmes assez rapidement d’un gros coup de point au visage et nous donne terriblement envie de danser.
Pour vivre cette expérience en live, rendez-vous à l’Accor Arena le 13 mars prochain.
Tracklist :
Own My Mind
Gossip feat. Tom Morello
Timezone
Bla Bla Bla
Baby Said ❤️
Gasoline ❤️
Feel
Don’t Wanna Sleep
Kool Kids
If Not for You ❤️
Read Your Diary ❤️
Mark Chapman
La Fine
Il Dono Della Vita ❤️
Mammamia
Supermodel ❤️
The Loneliest ❤️
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